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Morceau choisi - biographie de Madame L -

Un jour, alors que j'étais encore chargée de communication, au cours du déjeuner qui a suivi notre RDV,  Mme L. commence à me raconter son histoire. Et comme à tant d'autres, je lui ai dit : "quel dommage que vous ne mettiez pas tout ça par écrit!". Contre tout attente, elle m'a prise au mot : "je ne sais pas écrire, mais si vous m'aidez, je suis partante". Ce fut ma première expérience de prête-plume. Elle a été si riche en émotions, et tellement impactante sur le plan humain aussi bien pour elle que pour moi,  que je décidais d'en faire mon métier. 

« Mon histoire est somme toute assez basique mais j’avais envie de la raconter. Peut-être bêtement pour que mon existence me survive, aussi minces soient les couches des évènements qui se sont succédés jusqu’à aujourd’hui. C’est un film qui m’a donné envie de me replonger dans mon passé et de retracer le chemin que j’ai parcouru durant ces 50 dernières années. En l’occurrence, « Les enfants du marais » ont fait écho aux choix que j’ai faits, à l’embranchement que j’ai pris lorsque je me suis mariée avec mon homme. J’ai aimé passionnément ce dernier, et bien que notre vie n’ait pas été jonchée d’épines, nous avons connu des moments difficiles. 
    Née d’une famille modeste, je voulais faire du cinéma. Mes parents rêvaient avec moi des tapis rouges que je foulerai du pied, lorsque je serai parvenue au firmament. Parfois les rêves sont trop grands. Mais « vise la lune et tu toucheras les étoiles »…
    J’ai été engagée comme bonne dans la plus proche ville de mon village. Mon objectif était de faire des économies, assez pour me payer un billet de train pour la capitale. Lorsque j’ai réuni la somme nécessaire à mon périple, j’étais prête, animée d’une énergie incroyable. Il me semblait que rien ne pouvais m’arrêter. Puis le destin s’est emmêlé et en allant à la gare à pied, je me suis faite renverser par une voiture. 
    Blackout. Je me retrouvais sur un lit d’hôpital et je me souviens qu’en ouvrant les yeux, je vis ceux de mes parents, rivés sur moi, pleins de larmes. J’étais tombée dans un coma profond duquel je ne suis sortie que 3 semaines plus tard. D’après les témoins de mon accident, j’ai fait un vol plané au dessus de la voiture du chauffard m’ayant percutée, et ma tête est venue cogner un panneau de signalisation. Je suis restée 2 mois à l’hôpital, puis 6 mois dans un établissement de rééducation pour récupérer pleinement mes facultés motrices. 
    J’avais toujours Paris en tête mais pas la même tête pour Paris: la cicatrice  sur ma joue gauche, trace indélébile des morceaux de verre du pare brise incrustés, me firent revoir mes prétentions de future star à la baisse. Mon nouveau visage me laissait perplexe. Je ressentais une colère impatiente de s’exprimer. Sur le personnel de l’hôpital, sur les kinésithérapeutes, sur ma famille.         

Un jour, quelqu’un frappa à la porte de ma chambre : une silhouette d’abord, et puis lui. Je ne sais comment expliquer ce phénomène méta physique qui se produisit dans mon être à cet instant, mais en apercevant cet homme, il m’a paru tout simplement qu’il s’agissait de mon futur mari. Mon chauffard aussi, accessoirement, puisque c’est lui qui m’avait renversée. 
    Je ne suis jamais partie à Paris, même si nous allons parfois y séjourner. J’ai fondé une école de théâtre dans la petite ville où nous habitons, cette ville si proche de mon village. Parfois je me demande ce qu’aurait été ma vie sans cet accident. Mais aucune amertume, aucun regret ne viennent me perturber. Ce qui doit arriver arrive.
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